La Méditerranée, son soleil, ses plages et… ses maladies !
- De med. vet. Bianca Michoud-Valente
- 9 juin 2022
Qui ne rêve pas de partir en vacances à la mer avec son chien ? Voyager avec son chien, lui faire la découvrir la mer, le sable, les plages, c’est une expérience formidable à partager. Pourtant, prendre son chien avec soi lors de vacances au soleil ne s’improvise pas. Il existe des règles à respecter et des maladies locales contre lesquelles il faut protéger son compagnon à quatre pattes. Voici donc les précautions à prendre lorsque vous voyagez avec votre chien en zone méditerranéenne.
Préparation de voyage
Quiconque a déjà eu l’opportunité de prendre son chien avec soi à l’étranger sait qu’en premier lieu, il faut que les papiers du chien soient à jour pour qu’il puisse quitter le territoire suisse et y revenir. Pour cela, nous vous recommandons de contacter votre vétérinaire afin de vous assurer que votre chien soit vacciné contre la rage et qu’il dispose d’un passeport valide. Selon votre pays de destination, il se peut aussi que des prises de sang et des analyses supplémentaires soient nécessaires. Pensez donc à vous renseigner auprès des autorités du pays de destination ainsi qu’auprès de votre vétérinaire si vous quittez l’Union Européenne.
Pour le voyage lui-même, pensez à vous équiper d’eau fraîche en quantité suffisante, d’écuelle portable et de tapis rafraîchissant afin que votre chien ne souffre pas de la chaleur. Si vous prenez l’avion, il est conseillé de commencer à habituer votre chien à son sac ou sa cage de transport plusieurs semaines avant le départ. Ainsi il s’y sentira en sécurité.
Si votre animal a le mal des transports, n’hésitez pas à demander à votre vétérinaire des comprimés contre la nausée.
Enfin, en plus du voyage, il faudra surtout préparer votre chien à son séjour sur place.
Pour cela, nous vous recommandons de composer une petite trousse pour des soins de premiers secours contenant du désinfectant liquide et en crème, des compresses, des bandes, des compléments contre la diarrhée, une pince à tiques, un thermomètre, un coupe-griffe, des gants en latex, des chaussettes (pour protéger le pansement d’une patte), une serviette propre et des ciseaux ou une petite tondeuse.
Et surtout, il faut protéger votre chien contre les malades locales. En effet, la zone méditerranéenne abrite des vecteurs de maladies que nous n’avons pas en Suisse. C’est une zone endémique pour la dirofilariose, plus connue sous le nom de « maladie des vers du cœur », et la leishmaniose.
Les vers du cœur, responsables de la dirofilariose cardiopulmonaire
Les vers du cœur (Dirofilaria immitis) sont transmis par les moustiques (Culex pipiens). Lors de la piqûre par un moustique infecté, des larves sont injectées dans le chien. Elles se déplacent dans la circulation sanguine et deviennent des adultes qui s’installent principalement dans les artères pulmonaires et le cœur droit. Ces adultes produisent ensuite des larves, appelées microfilaires, qui circulent dans les capillaires. Le chien infecté peut alors contaminer les moustiques, qui vont ingérer ces microfilaires lorsqu’ils le piquent. Les microfilaires infectent ainsi le moustique qui, à son tour, sera susceptible de transmettre les larves et donc de contaminer à son tour, lorsqu’il piquera un nouvel animal.
La propagation du parasite est dépendante de nombreux facteurs environnementaux dont bien sûr la présence de nombreux moustiques. Les régions méditerranéennes où les risques sont les plus élevés sont l'Europe du Sud (Portugal, Espagne dont les îles Canaries, sud de la France, Italie, pays des Balkans, Grèce), la République tchèque, la Bulgarie, la Roumanie ainsi que l'Afrique du Nord. Mais le réchauffement climatique, favorable au cycle de vie des moustiques, pourrait être un facteur d'extension des zones endémiques.
La période à risque s’étend habituellement d’avril à octobre, mais elle peut varier.
Les vers du cœur sont responsables de la maladie dite la « dirofilariose cardiopulmonaire ». La dirofilariose existe également chez le chat mais la fréquence est bien plus faible. Chez les chiens, l'évolution clinique de la dirofilariose est généralement chronique. La plupart des chiens parasités ne présentent aucun signe clinique pendant des années. Les symptômes apparaissent ensuite progressivement : toux chronique, difficultés respiratoires, saignement pulmonaire, faiblesse, syncopes. Lorsque l’insuffisance cardiaque est installée, l’animal présente : toux chronique, anorexie, déshydratation, œdème et perte de poids. Une mort subite est possible lors de formation d'un caillot et obstruction d'un vaisseau vital, ou en cas de détresse respiratoire très sévère. L’issu peut donc parfois être fatale.
Le diagnostic repose sur des examens complémentaires permettant de mettre en évidence la présence de microfilaires. Et pour le traitement, différents protocoles sont disponibles selon l’intensité de l’infection.
Chez le chien qui voyage la prévention est donc essentielle, en plus d’être efficace et simple. La prévention se base sur l’utilisation par voie orale d’un vermifuge. Celui-ci élimine les larves de D. immitis qui se sont développées durant les 30 jours précédents, empêchant ainsi l’apparition de la maladie. Pour les animaux qui ont séjourné moins d’un mois à l’étranger, un seul traitement juste après le retour en Suisse est suffisant. Pour les chiens restant plusieurs mois, il est recommandé d’administrer le vermifuge une fois par mois et encore une fois au retour en Suisse. Il est aussi conseiller de tester son compagnon pour vérifier qu’il n’a pas été infecté.
Il est possible de combiner cette prévention par voie orale à une prévention par voie topique. La prévention par voie topique se base sur des colliers ou des spot-on insecticides permettant de limiter le nombre de piqûres de moustiques.
La leishmaniose canine, un mal sournois
En Europe, la leishmaniose est causée par le protozoaire Leishmania infantum. En effet, il existe différentes espèces de parasites responsables de la leishmaniose à travers le monde. Les vecteurs de ce parasite sont les phlébotomes, une famille de mouches présentent dans tout le bassin méditerranéen, ainsi qu’en Afrique et au Moyen-Orient où la leishmaniose canine est endémique. ils peuvent être parfois retrouvés au nord de la France, et rarement dans le sud de l’Allemagne ou le sud de la Suisse. De nos jours, deux facteurs augmentent les risques d'attraper une leishmaniose en dehors des zones endémiques : le réchauffement climatique et le transport (involontaire) de phlébotome sur de grandes distances par l’avion, le train, la voiture.
La saison à risque est variable d’une année à l’autre et d’une région à l’autre. Habituellement elle commence en avril et se termine fin novembre.
Le chien est l’hôte principal de L.infatum, mais le parasite microscopique a également été retrouvé chez d’autres mammifères dont l’Homme et divers rongeurs.
La contamination se fait majoritairement lors des piqûres par des phlébotomes porteurs de leishmanies. Elle peut aussi, plus rarement, se faire lors de la gestation ou par morsure. Les leishmanies injectées se développent ensuite dans les globules blancs du sang, se multiplient et se propagent dans tous les organes du chien parasité. L’incubation dure en général plusieurs mois, voir plusieurs années. Mais de nombreux chiens vont être porteurs sains, c’est-à-dire qu’ils n’exprimeront pas la maladie. Ils sont asymptomatiques. Certains l’élimineront même naturellement. Il existe d’ailleurs des races de chiens (principalement les races locales) qui démontrent une certaine résistance à la maladie.
L’expression clinique de la maladie est donc très variable. Les facteurs qui conduisent à la maladie ne sont pas tous connus. Nous avons cependant qu’elle est influencée par la réponse immunitaire du chien et l’existence d’autres maladies concomitantes.
La leishmaniose est une maladie qui a un large éventail de symptômes. Certains sont plus classiques comme des lésions de peau plus ou moins graves, et des atteintes d’organes conduisant à de l’abattement, anorexie, amaigrissement, anémie, troubles oculaires, insuffisance rénale, …
D’autres symptômes sont moins fréquents et plus atypiques, rendant le diagnostic difficile, comme le saignement de nez, les atteintes oculaires, articulaires ou l’épilepsie.
Le diagnostique se fait par des analyses sanguines mettant en avant l’infection. L’étendue de la maladie est évaluée à la suite d’examens complémentaires. Divers traitements et protocoles sont disponibles selon la gravité de l’infection et de la maladie. Il s’agit cependant souvent d’un traitement lourd, long et onéreux. Et les rechutes sont fréquentes.
Une molécule couramment utilisée, l’allopurinol, a pour effet secondaire la formation de calculs urinaires. Les chiens recevant ce traitement doivent donc être nourris avec une alimentation spécifique pauvre en purines pour réduire le risque de formation de calculs de xanthine.
Cette maladie étant compliquée, il est particulièrement important de mettre en place une stratégie de prévention efficace. La prévention chez le chien qui voyage se fait principalement par l’application d’insectifuges ou insecticides sur les chiens. Ces molécules sont disponibles sous forme de colliers, de sprays et de spot-on. Elles ont une excellente action répulsive et/ou insecticide. L’objectif est d’éviter les piqûres de phlébotomes ou d’interrompre la transmission de leishmanies pour prévenir l’infection des chiens. Aucune résistance n’a été rapportée à ce jour aux molécules insecticides, ces méthodes de préventions sont donc très efficaces dans la réduction de la transmission de la maladie.
En plus de ces traitements topiques, il est recommandé d’adopter aussi les bons gestes suivants pour une protection optimale :
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garder son chien à l’intérieur la nuit, en particulier à l’aube et au crépuscule
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utiliser des sprays et diffuseurs insecticides dans la maison
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installer des moustiquaires sur les portes et les fenêtres
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utiliser des moustiquaires imprégnée d’insecticides sur les lieux de couchage.
Toutes ces mesures vous permettront une diminution significative des risques de piqûres par les phlébotomes et les moustiques. Ainsi, vous pourrez passer de belles vacances avec votre compagnon à quatre pattes et profiter de la mer et du soleil, sans soucis !